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20.11.17

Du rififi dans les écoles allemandes.

Les négociations préalables à la constitution d'un gouvernement fédéral de coalition entre Chrétiens démocrates et sociaux, Verts et Libéraux aiguisent les appétits et le président Macron n'est pas le seul à faire des propositions d'action pour les quatre années à venir en Allemagne. Les trois partis en question, les autres aussi d'ailleurs, avaient mis la Bildung, cette vache sacrée de l'éducation allemande, au cœur de leurs programmes électoraux, motivés qu'ils étaient par un dilemme  : la nécessité pour l'Allemagne de rester longtemps excellente au niveau mondial de l'innovation technologique par une formation adéquate de la jeunesse, mais aussi le frein que semble constituer la compétence exclusive des États régionaux, jaloux de leur souveraineté en la matière et confortés par l'interdiction constitutionnelle pour la Fédération de s'immiscer dans les affaires de l'Education. Une analyse lucide de l'état dans lequel se trouve la Bildung s'impose donc, en cinq points que je résume et qui rappelleront à certains la situation en France. En premier, la question des parents. De partenaires de l'école, ils sont devenus des clients, et des adversaires. Ils bossent, sont sous pression au travail et ne sont plus ces patriarches imposant des règles de comportement, surveillant les devoirs à la maison, faisant la lecture, poussant au sport et à l'apprentissage de la musique... Il en résulte un transfert de ces responsabilités vers les jardins d'enfants, l'école primaire, et maintenant les crèches et les écoles à temps plein. Et qu'y trouve-t-on  ? Des éducateurs, qui ne veulent pas être des maîtres car il s'agit ici de reconstituer les circonstances traditionnelles du milieu familial auquel ces institutions se substituent. Mais il n'y a pas de formations d'éducateurs adéquates, sur des bases scientifiques  ; les conceptions de leur travail d'éducation sont déficientes et les classes trop nombreuses, et les éducateurs ne sont payés pas comme il faudrait vu leur responsabilité. En troisième lieu, les politiques publiques  : tout d'abord, les finances  ; beaucoup d'écoles sont dégradées (il manque 34 milliards d'€! pour tout remettre en état). Jusqu'en 2030, il faudra trouver 40  000 enseignants formés et arrêter de recruter des vacataires non formés (ceux-ci composent actuellement 40% à 60% des nouveaux recrutements dans certains Etats). Ensuite, les politiques éducatives  ; il faudrait vérifier la pertinence des modèles et expérimentations des trente dernières années  : l'«  individualisation  » (enseignement sur mesure, de l'enfant, mais aussi de l'enseignant), la réduction a minima du vocabulaire de base et de l'écrit, l'écriture «  à l'oreille  ». Ces méthodes partaient d'un bon sentiment  : aider les élèves les plus faibles  ; les évaluations ont cependant montré que c'est plutôt raté. Un point difficile  : l'inclusion d'élèves handicapés dans les classes  ; les évaluations ont montré qu'elle a favorisé la brutalité, a exposé les enfants à des situations insupportables, et insécurisé les autres élèves par une modulation des exigences pédagogiques difficilement compréhensible. Le quatrième point est plus central et concerne l'enseignement supérieur  : est-il vraiment utile que 55% d'une classe d'âge (2016) entre à l'université  ? Trop d'étudiants tue les études et le niveau académique baisse, plus d'1/3 des jeunes abandonnent avant la troisième année, et leur curiosité, nerf de l'innovation, n'est plus ce qu'elle était  ; et la concurrence entre diplômés sur le marché du travail devient mortelle et fait chuter les salaires. Enfin, la formation professionnelle traditionnelle, l'apprentissage régulé, ne trouve plus assez de candidats valables et, en 2017, 45  000 places n'ont pas été occupées, surtout dans l'artisanat, bien que ces filières soient tout autant des filières d'excellence. Bref, pour conclure, tout va mal dans le meilleur des mondes possibles et le futur n'a pas beaucoup d'avenir. Nous verrons dans quatre ans.

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